Ce qui s’est passé à Copenhague montre bien une évidence que certains continuaient à ne pas vouloir voir: quand les Etats-Unis et la Chine ne sont pas d’accord, il ne peut y avoir d’accord mondial sur des sujets aussi importants que celui de la lutte contre le réchauffement climatique. Car, à l’opposé de ceux qui nient la relation privilégiée qui s’est établie entre les deux puissances, ce n’est pas une gouvernance mondiale cogérée que représente le G2 mais bien une confrontation entre des intérêts respectifs qui peuvent se rejoindre comme lors du G20 sur le sauvetage de l’économie mondiale tout autant que diverger comme lors de la Conférence sur les gaz à effet de serre.
Bien évidemment, les Européens enragent d’être de simples spectateurs de cette nouvelle relation entre supergrands mais ils en sont les premiers responsables en n’ayant jamais réussi à bâtir un front commun qui aurait légitimé l’Union européenne comme une puissance incontournable. Cependant, l’évidence est là et risque de devenir une constante au cours des prochaines décennies à moins de catastrophes touchant la Chine ou les Etats-Unis. Et, au lieu de vouloir contourner cette réalité comme tente de le faire désespérément la France en cherchant des alliés un peu partout dans le monde dans un effort désordonné qui n’a qu’une vague ressemblance avec la politique extérieure du Général de Gaulle, il vaut mieux l’analyser et en prendre la mesure afin de l’utiliser au mieux de ses intérêts.
Ce qu’il faut espérer, bien entendu, c’est une montée de la convergence de vues entre les Etats-Unis et la Chine. Celle-ci ne pourra se faire que par une mondialisation plus responsable à tous les niveaux et à une volonté de la Chine de prendre la voie d’un régime moins rigide et incluant de plus en plus d’éléments démocratiques qui la rendront plus responsable envers les autres nations mais aussi envers son peuple. Néanmoins il ne faut pas être, non plus, naïf. Si l’on ne veut pas que mettre en péril le fragile équilibre mondial actuel, personne n’a intérêt que la Chine devienne demain un espace déstabilisé et qu’elle cède à ses vieux démons de la désagrégation. Cyniquement, au jour d’aujourd’hui, la planète serait sans doute moins sûre avec une Chine pré-démocratique comme ce fut le cas lors de la chute de l’Union soviétique avec une Russie qui cherchait sa voie en la matière. Reste que l’immobilisme du Parti communiste chinois et parfois même quelques retours en arrière face à un développement de la société ne peuvent, également, à terme, qu’être déstabilisants et occasionner ces fameux troubles sociaux qui sont le cauchemar de ses dirigeants et qui les entraînent dans cette fuite en avant d’une croissance à tous prix dont on vient de voir un exemple à Copenhague.
De leur côté, les Etats-Unis ont raison de se tourner vers l’Asie qui redevient une région forte et de tous les dangers. Sans oublier que la Chine est le premier créancier d’une Amérique en reconstruction d’un modèle de développement mais aussi son premier fournisseur. Cela crée évidemment des liens même si ceux-ci ne sont pas toujours amicaux… Reste que Washington aurait tort d’oublier que ces meilleurs alliés se trouvent en Europe dans ces pays qui partagent ses valeurs et sa vision du monde. Car la Chine n’est certainement pas une nation belliqueuse actuellement – et elle n’en a ni l’intérêt, ni le besoin – mais elle jouera naturellement toujours sa propre partition au risque que l’orchestre du G2 sonne faux!
Ce n’est donc certainement pas un G2 de tout repos qui nous attend dans les années qui viennent. Mais les Etats-Unis et l’URSS avaient bien inventé un téléphone rouge…
Alexandre Vatimbella
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