Les nouvelles prévisions de l’organisme économique est très sombre pour le monde entier et, dans les pays du Bric, pour la Russie, surtout, mais aussi pour le Brésil et dans une moindre mesure pour l’Inde. Seule la Chine tire son épingle du jeu mais loin des 8% de croissance rêvée par ses dirigeants.
L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) vient de rendre publique ses nouvelles prévisions de croissance. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne sont guère enthousiasmantes : « L’économie mondiale est en proie à sa récession la plus profonde et la plus synchronisée depuis des décennies. Cette récession, due à la crise financière, est aggravée par l’effondrement des échanges. Les tensions financières et la faiblesse de la confiance pèsent sur la production et l’emploi. (…) A leur tour, la contraction de l’activité et la baisse des revenus dégradent les bilans bancaires, ce qui amplifie la récession. (…) Compte tenu de cette incertitude, nous prévoyons que la contraction actuelle de l’activité économique s’accentuera cette année, avant qu’une reprise induite par les politiques mises en œuvre s’installe progressivement en 2010 ».
Prévisions de croissance 2009 et 2010 (mars 2009)
| 2009 | 2010 |
Brésil | -0,3% | 3,8% |
Russie | -5,6% | -0,7% |
Inde | 4,3% | 5,8% |
Chine | 6,3% | 8,5% |
Source : OCDE
Voici les principaux points du rapport de l’OCDE concernant les pays du Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine)
-Brésil
« Le PIB devrait se contracter légèrement en 2009. L’activité a perdu beaucoup de son élan au cours du dernier trimestre de 2008, tirée vers le bas par la chute de la production industrielle, mais il semblerait qu’après avoir touché le fond, elle donne actuellement des signes de redémarrage. L’assouplissement en cours de l’action publique, ajouté à l’amélioration probable des conditions de crédit pendant l’année, devrait étayer la reprise d’ici la fin de l’année et au début de 2010. Dans un premier temps, la réponse à la crise a consisté à adopter des mesures destinées à doper la liquidité pour consolider le crédit. Les autorités ont commencé à assouplir la politique monétaire en janvier et des baisses de taux supplémentaires sont attendues d’ici le milieu de l’année. Des mesures budgétaires d’accompagnement ont été annoncées, en particulier des baisses d’impôt temporaires, des augmentations des dépenses de protection sociale et de l’investissement public, et des injections de capitaux dans les banques appartenant à l’État afin de stimuler la croissance du crédit. La politique budgétaire devrait désormais avoir pour objectif principal de laisser les stabilisateurs automatiques jouer à plein plutôt que de s’engager dans un activisme supplémentaire.
La demande intérieure et les exportations vont probablement rester atones pendant l’essentiel de l’année 2009. L’activité devrait reprendre de la vigueur vers la fin de l’année et au début de 2010, principalement grâce à un dosage favorable de l’action publique. L’amélioration des conditions du crédit, portée par l’assouplissement monétaire en cours et la liquidité retrouvée, conjuguée à une augmentation des transferts de l’État en faveur des ménages, devraient soutenir la consommation privée. Une mise en œuvre plus rapide des programmes de développement des infrastructures publiques, en particulier de ceux qui font partie du Programme d’accélération de la croissance lancé en 2007, permettrait de compenser en partie le ralentissement de la croissance de l’investissement privé. (…)
La vitesse et l’ampleur de la reprise pâtiraient certainement d’une poursuite de la dégradation des perspectives financières internationales. En particulier, tout retard pris par les partenaires commerciaux du Brésil sur la voie de la reprise ne manquerait pas de se répercuter sur les résultats à l’exportation de ce dernier. La reprise risque également d’être repoussée si les taux d’intérêt devaient augmenter du fait d’une détérioration plus grave que prévue des finances publiques. »
-Chine
« La croissance a fortement ralenti en Chine, principalement sous l’effet de la contraction brutale des échanges mondiaux. Grâce à de vigoureuses mesures de relance par voie monétaire et budgétaire, l’activité devrait repartir à la hausse en 2009 et en 2010, même si la croissance pourrait rester en deçà de son potentiel. A cette occasion, un certain rééquilibrage en faveur de la demande intérieure devrait se produire. Les prix vont sans doute continuer à baisser au fur et à mesure de l’élargissement des marges de capacités non utilisées. La reprise de la hausse des crédits aide l’économie à retrouver de la vigueur, mais les autorités de surveillance du secteur financier vont devoir garder un œil sur la qualité des portefeuilles des banques. Compte tenu de la modestie de la dette publique et du niveau élevé des liquidités, les pouvoirs publics ont une certaine marge de manœuvre pour poursuivre l’expansion budgétaire. Quoi qu’il en soit, il semble qu’il soit possible de prendre des mesures destinées à améliorer le filet de sécurité sociale.
Les exportations se sont contractées à la fin de 2008 et la croissance du PIB en termes réels est descendue à son rythme le plus lent depuis plusieurs années. Cependant, depuis le début de 2009, certains signes donnent à penser que le pire a peut-être été atteint et que la reprise est en vue. En janvier et en février, les indicateurs montrent que grâce au dynamisme de la consommation et de l’investissement privés, la demande intérieure a réussi à compenser l’impact de la forte baisse des exportations. En conséquence, la production industrielle a enregistré une légère évolution à la hausse au début de l’année. Les enquêtes réalisées auprès des entreprises font également état d’un certain redressement, quoique modeste. (…)
Une des principales raisons pour lesquelles le ralentissement a été relativement plus limité en Chine est que les effets de richesse négatifs y ont été beaucoup plus modérés et que les conditions financières globales ne se sont pas, et de loin, autant dégradées que dans les pays de l'OCDE. La prospérité des ménages n’a été que modestement affectée par la chute des cours des actions, dans la mesure où moins d’un tiers de la valeur totale des actions est détenu par le secteur privé, le reste étant entre les mains d’entités contrôlées par l’État. De plus, dans les cinq mois ayant précédé mars 2009, l’indice composite des cours des actions avait déjà regagné 26%. Le logement est aussi une composante plus importante du patrimoine des ménages, dont la valeur a continué à croître en termes nominaux. Si le décalage de l’impact de la richesse sur la demande est le même que dans les économies de l'OCDE, le faible effet de richesse négatif provoqué par les chutes antérieures des cours des actions devrait se dissiper d’ici la mi-2009. (…)
En novembre 2008, le gouvernement a annoncé un grand programme d’investissements pour 2009-2010 représentant au total 4 000 milliards de yuans de dépenses (soit 5.8 % du PIB prévu sur la période concernée). Une grande partie de ce plan paraît toutefois concerner des projets déjà prévus. Le nouveau budget du gouvernement montre que l’augmentation des dépenses de l’administration centrale et des collectivités locales devrait représenter selon les projections 2.6 % du PIB en 2009, l’accent étant mis sur certains types de dépenses sociales, en particulier les soins de santé. Par ailleurs, le taux de la taxe sur la valeur ajoutée sur les exportations et les investissements devrait être ramené à zéro, ce qui aura pour effet d’aligner la Chine sur la norme internationale. Une partie de ces réductions d’impôt sera compensée par l’introduction d’une taxe de 20 % sur les produits pétroliers. Dans l’ensemble, le gouvernement table sur un déficit budgétaire de 3 % du PIB en 2009. (…)
Un risque majeur entoure ces prévisions : celui que les entreprises, dans leurs décisions d’investissement, réagissent de manière plus négative que prévu à la poursuite de la faiblesse du secteur des exportations. Une telle évolution aurait des conséquences sur l’emploi du fait de la poursuite des licenciements de travailleurs migrants et insufflerait à l’économie un élan déflationniste. Elle risquerait aussi d’inciter fortement les pouvoirs publics à permettre que le taux de change suive la dépréciation d’un certain nombre d’autres monnaies asiatiques. »
-Inde
« La longue période de croissance économique qu’a connue l’Inde est aujourd’hui achevée, comme en témoigne le fait que la progression du PIB était bien inférieure à son potentiel à la fin de 2008. Après une augmentation marquée des dépenses publiques en 2008, le gouvernement vient d’adopter quelques mesures budgétaires de portée limitée. En 2009, la poursuite de la hausse de la demande intérieure sera probablement annulée par la chute des exportations. Grâce à la reprise progressive de l’économie mondiale, la croissance devrait toutefois repartir en 2010. Du fait de l’ampleur de la dégradation de la situation budgétaire qui avait commencé avant même ce ralentissement, la marge de manœuvre permettant la mise en œuvre d’une politique budgétaire discrétionnaire est limitée. Les autorités devraient plutôt mettre l’accent sur une poursuite de l’assouplissement monétaire, car il est encore possible d’abaisser les taux d’intérêt. Il conviendrait qu’elles s’abstiennent d’adopter des mesures protectionnistes.
Au cours du dernier trimestre de 2008, le recul des exportations a provoqué un ralentissement marqué de l’augmentation de la production, même si sur le front de l’investissement et de la consommation, la croissance s’est maintenue. La poursuite de l’affaiblissement de la demande extérieure au début de 2009, conjuguée au contrecoup probable de la constitution de stocks excédentaires qui s’est produite au quatrième trimestre, ont entraîné une contraction de la production industrielle en janvier.
L’inflation a connu un ralentissement marqué au niveau des prix de gros, passant en dessous de 1 % en mars. Une grande partie de cette évolution est due à la baisse des prix des matières premières, dont la pondération dans cet indice est élevée. En revanche, la hausse des prix à la consommation n’a pas encore ralenti, notamment parce que les perturbations dans les transports ont maintenu les prix des produits alimentaires à des niveaux élevés vers la fin de l’année.
L’engagement de dépenses non budgétées a eu pour effet de creuser de manière significative le déficit budgétaire l’année dernière. Le budget 2008 tablait en effet sur un déficit de l’administration centrale de 2.5 % du PIB, conforme en cela aux objectifs fixés par la loi sur la responsabilité budgétaire et la gestion du budget. En revanche, il ne tenait aucun compte des fortes hausses des salaires dans la fonction publique, pouvant aller jusqu’à 40 %, qui avaient déjà été accordées, et aucune provision n’avait été constituée au titre du coût, pour les finances publiques, de la décision du gouvernement d’ordonner aux banques de passer en charges les arriérés de dettes des petits paysans. En outre, des subventions ont été versées aux compagnies pétrolières à partir de comptes hors budget. De ce fait, le déficit de l’administration centrale a explosé, passant à 6 % du PIB, et le déficit total du secteur public a dépassé 10 % du PIB. (…)
Les conséquences de l’assouplissement des conditions monétaires et le creusement marqué du déficit budgétaire devraient suffire à contrer l’impact de la baisse des exportations sur l’emploi et, partant, sur les revenus et les dépenses des ménages. Les ménages devraient également bénéficier du ralentissement de l’inflation. Pour autant que la consommation reste relativement dynamique, que des financements bancaires adéquats soient disponibles et que l’impact de la baisse du taux de change commence à se faire sentir sur les exportations, les investissements des entreprises devraient aussi rester relativement soutenus. Une fois les échanges mondiaux stabilisés, l’économie devrait retrouver son élan, même si la croissance est appelée à rester en 2010 inférieure à ce qu’elle pourrait être.
Un risque pèse fortement sur ces projections : celui que les entreprises ne prennent pas en compte le retournement des échanges mondiaux attendu à la fin de 2009 et par conséquent, qu’elles revoient leurs projets d’investissements à la baisse d’une façon plus radicale que prévu. Même si une grande partie des équipements sont importés, une telle évolution pourrait tout de même aboutir à un recul de l’emploi et exercer sur les prix des pressions supplémentaires à la baisse. »
- Russie
« La diminution brutale des prix du pétrole a des effets néfastes, directs et indirects, sur la demande intérieure. La croissance du PIB est négative depuis l’été 2008 et ne devrait repartir que faiblement. Malgré une certaine répercussion de la dépréciation du taux de change, l’inflation devrait diminuer en 2009-2010. Le budget, qui affichait de larges excédents, va enregistrer des déficits encore plus larges, tandis que l’impact de la baisse des prix des matières premières sur les exportations sera partiellement compensé par le fléchissement des importations, permettant à la balance courante de rester encore excédentaire. Une relance budgétaire vigoureuse devrait avoir pour objectif de maximiser l’effet multiplicateur sur la demande intérieure et s’inscrire dans un horizon à moyen terme crédible. La politique monétaire ne devrait pas aller à contre-courant des pressions fondamentales que la poursuite de la dépréciation du rouble est susceptible de susciter. Enfin, il existe une marge d’assainissement considérable du secteur bancaire. Il ne serait pas opportun de recourir au protectionnisme.
Jusqu’au milieu de l’année 2008, la Russie affichait une croissance vigoureuse. Bien que certains facteurs propres à la Fédération aient eu un impact négatif sur les flux nets de capitaux privés au cours de l’été, le principal choc a été l’exacerbation de la crise mondiale en septembre 2008, à la suite de laquelle les prix du pétrole ont chuté brutalement, sapant directement la demande intérieure et aggravant les sorties de capitaux. Parallèlement, les banques ont limité leurs concours au fur et à mesure que les risques de crédit augmentaient et les échanges internationaux se sont effondrés sous l’effet de la crise qui frappait la demande au niveau mondial. Tous ces facteurs conjugués ont provoqué une forte baisse de la production.
La production devrait continuer à chuter au moins jusqu’au milieu de 2009. La conjugaison de l’apparition d’effets de richesse négatifs et de la hausse du chômage pèsera sur la consommation privée, tandis que les investissements devraient pâtir de la baisse de la demande et de la limitation des financements. Les exportations devraient continuer à diminuer, reflétant l’effritement de la demande dans les pays partenaires. Les importations seront toutefois encore plus durement touchées, à cause des fortes élasticités-revenus et de la baisse du prix relatif des biens et des services russes, sur fond de dépréciation modérée du rouble en termes effectifs réels depuis le déclenchement de la crise. (…)
Du fait qu’il est nécessaire de maximiser l’impact de la relance sur la demande, il apparaît qu’il conviendrait de miser principalement sur l’introduction de dépenses nouvelles, par exemple une accélération des dépenses d’infrastructure ou des transferts au bénéfice des ménages endettés ou à destination de niveaux d’administration inférieurs. De telles mesures sont globalement conformes aux propositions faites par le gouvernement, qui prévoit un train de mesures de relance discrétionnaires représentant l’équivalent de quelque 2,5% du PIB. Bien que le niveau de la dette publique russe soit pour l’instant modeste, il est important, compte tenu de la combinaison des larges déficits attendus pour les prochaines années et des pressions de dépenses à long terme causés à la fois par les évolutions démographiques négatives et par les problèmes de dégradation de l’environnement, que les efforts de relance soient inscrits dans un cadre à moyen terme rendant crédible le retour à un niveau d’endettement public supportable sur la durée.
Le bon fonctionnement du système bancaire est essentiel à l’efficacité des autres mesures prises. La difficulté va consister à contourner les difficultés d’accès au crédit tout en minimisant le risque moral et le coût pour les contribuables. Les autorités devraient recapitaliser les banques importantes du point de vue systémique, tout en veillant à ce que les banques en faillites soient rapidement fermées et liquidées et en facilitant l’assainissement du secteur.
Même si les mesures prises par les pouvoirs publics ont pour effet de soutenir considérablement l’économie, la conjugaison de chocs extérieurs négatifs très violents et de certains risques purement nationaux (notamment la fragilité de la confiance dans les banques et dans la monnaie) rendent improbable tout retour rapide à la croissance. Si la situation internationale devait s’aggraver davantage que ne le prévoient les spécialistes, la reprise en Russie pourrait être repoussée à 2010, voire au-delà. En revanche, les prix du pétrole sont récemment repassés au-dessus des niveaux retenus dans les prévisions et si ces prix élevés se maintiennent, la reprise pourrait alors être plus précoce et plus rapide que prévu. »
Louis-Jean de Hesselin
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