Lors d’un débat organisé à Paris, l’économiste et conseiller de la Banque centrale indienne, Errol D’Souza a expliqué les raisons pour lesquelles l’Inde connaît des difficultés.
Pour le professeur Errol D’Souza, professeur d’économie à Ahmedabad et conseiller de la RBI (Reserve bank of India, la Banque centrale du pays), les difficultés que connaît l’Inde suite à la crise économique et financière mondiale ont été une surprise pour les politiques mais également pour les experts. Lors d’un débat organisé par le CERI (Centre d’études des relations internationales de Sciences po Paris) autour du thème «l’Inde face à la crise mondiale à la veille des élections», il a expliqué que l’opinion des cercles dirigeants était que l’Inde serait majoritairement à l’abri de la crise mondiale parce qu’elle ne vivait pas sur ses exportations et que son système financier et notamment ses banques et leurs importantes réserves étaient sains. Or, les problèmes ont surgi rapidement pour plusieurs raisons. La première a été le rapatriement brutal et important des investissements étrangers dans leurs pays d’origine ou dans d’autres pays plus attractifs. Cette situation a plombé les bourses indiennes mais a surtout asséché le financement de l’économie. La deuxième a été que, même si les exportations ne sont pas le moteur essentiel de l’économie, les PME indiennes et plus particulièrement les petites PME tournées essentiellement vers l’étranger et très dynamiques ces dernières années se sont effondrées comme dans les secteurs du textile et des bijoux. La troisième a été l’énorme chute des rentrées de devises provenant de l’envoi par les Indiens travaillant à l’étranger d’une partie de leurs salaires à leurs familles.
Du coup, l’Inde a plongé comme les autres pays. Pour Errol D’Souza, le ralentissement prendra la forme d’une croissance de 5,5% en 2009. Il a indiqué que les prévisions du gouvernement qui table sur un chiffre de 7,1% n’étaient partagées par personne d’autre et notamment les experts... Mais ce qui inquiète le plus le professeur indien d’économie est le choix de la relance par la baisse de la fiscalité et, surtout, par le déficit budgétaire. Selon lui, le gouvernement indien prend un risque inconsidéré d’autant que le pays a connu voici quelques années de graves problèmes économiques dues à une dépense publique non maîtrisée. Depuis, le principe de «responsabilité fiscale» avait été établi empêchant les dépenses de croître anarchiquement. Or ce principe vient d’être abandonné, en partie pour cause d’élections législatives (qui auront lieu en avril et mai) ouvrant la porte à toutes les dérives possibles.
Néanmoins, Errol D’Souza est optimiste sur la capacité de l’Inde a retrouvé une bonne croissance dans les prochaines années. Reste que pour lui comme pour beaucoup d’autres économistes indiens, cette croissance ne bénéficie pas à la majorité de la population qui demeure pauvre et qui, dans certains cas, s’appauvrit. Et de citer en exemple la progression inquiétante de l’emploi non encadré (qui signifie en Inde des emplois précaires sans aucune couverture sociale) et la baisse du nombre des emplois stables. Alors que l’Inde s’enrichit, la population, elle, à part une classe riche et une classe moyenne encore minoritaire, connaît de graves difficultés économiques. Et la distribution plus équitable de la croissance doit être une nécessité non seulement sociale mais aussi économique.
Alexandre Vatimbella
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