En privilégiant les grands travaux sur le pouvoir d’achat, le gouvernement chinois a agi comme d’habitude au risque de faire capoter sa relance selon un universitaire chinois.
Zhiwu Chen, professeur de finance à l’université américaine de Yale, a fait paraître un article sur le site internet Project Syndicate (http://www.project-syndicate.org/) dans lequel il analyse le plan de relance adopté par le gouvernement de Pékin le mois dernier. Sous le titre « le fétichisme bâtisseur de la Chine », il pose d’intéressantes questions : « En réfléchissant aux retombées du plan de relance chinois, chiffré à 586 milliards de dollars, il est intéressant de se demander pourquoi la Chine choisit les infrastructures, les immeubles et les grands projets chaque fois qu’elle veut stimuler la croissance. La Chine doit-elle, ou peut-elle obtenir une croissance à long terme uniquement en multipliant les structures physiques déjà existantes ? Si et quand le temps viendra de faire une pause, ou de changer d’orientation, les institutions politiques et économiques chinoises actuelles sauront-elles s’adapter ? »
Pour Zhiwu Chen, le choix des grands projets vient avant tout du système politique du pays : « En Chine, le gouvernement n’est pas élu, donc gagner des voix n’entre pas dans ses calculs et rendre de l’argent au peuple n’est jamais une option. Le gouvernement ne fait pas que dépenser de l’argent, il le fait en préférant toujours des réalisations concrètes comme des gratte-ciels, des immeubles gouvernementaux luxueux, des autoroutes et les grands projets industriels ». Cette absence de contrôle social de ces dépenses a un bon côté : « Cette inclination explique non seulement pourquoi des démocraties comme l’Inde et le Brésil sont à la traîne de la Chine en termes d’infrastructures, mais également la raison pour laquelle le plan de relance de la Chine met l’accent sur les moyens de transports (les projets ferroviaires bénéficient à eux seuls de plus de la moitié des 586 milliards de dollars du plan) ». Le mauvais côté c’est que ce plan de relance « néglige à peu près complètement les programmes sociaux, comme la santé et l’éducation, qui seraient pourtant à même de soulager les pressions sur l’épargne et par conséquent d’encourager la consommation. »
Afin de transformer une économie chinoise axée sur les exportations en une économie reposant sur la consommation intérieure, Zhiwu Chen propose deux réformes « fondamentales ». « La première est de distribuer équitablement les droits de propriété encore aux mains de l’État aux 1,3 milliard de citoyens chinois. (…) La deuxième est de rendre le processus budgétaire de l’État accessible au public (…). Cette nouvelle transparence devrait inciter le gouvernement à accorder davantage d’importance aux programmes sociaux dont les gens ont besoin et moins aux infrastructures ».
Car, pour l’universitaire, la pérennité de la croissance chinoise est à ce prix à long terme et, à court terme, cela déterminera le succès de la relance nécessaire de l’économie : « Sans ces réformes structurelles ou une ristourne fiscale aux familles au moyen de réductions d’impôts, les plans de relance basés sur les investissements gouvernementaux ne peuvent que donner lieu, au mieux, à une stimulation économique à court terme. Ils ne pourront pas transformer le système politico-économique chinois, basé sur les exportations et les investissements. Même avec le plan de relance actuel, la Chine dépendra toujours des investissements et des exportations pour sa croissance. (…) Aujourd’hui, la Chine a de bonnes infrastructures, des gratte-ciels impressionnants et une base industrielle en surcapacité. Ce qui lui manque est une consommation intérieure suffisamment forte pour générer une croissance endogène. »
Alexandre Vatimbella
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