Au cours de la même séance où il votait le plan de sauvetage du système financier américain, le Sénat a ratifié définitivement le traité de coopération nucléaire civil entre l’Inde et les Etats-Unis.
Manmohan Singh, le Premier ministre indien, doit pousser un ouf de soulagement. Lui qui, dès le départ, s’est personnellement et politiquement investi – en changeant même de majorité au Parlement en cours de législature – dans cet accord nucléaire entre son pays et les Etats-Unis doit apprécier le moment. Le Sénat des Etats-Unis a en effet ratifié ce fameux traité qui avait été signé entre George W Bush et lui en 2005 lors de la visite du Président américain à New Delhi. Il a fallu trois longues années pour qu’enfin l’Inde puisse relancer son programme nucléaire civil, une nécessité vitale pour son développement économique alors que des coupures d’électricité gênent quotidiennement les usines et les bureaux du pays mettant à mal leur productivité sans parler du rationnement de l’électricité pour les particuliers dans de nombreuses régions. Le vote a été sans équivoque puisque ce sont 86 sénateurs qui ont voté oui (dont la totalité des 49 sénateurs républicains) contre 13 qui ont voté non.
De son côté, George W Bush doit aussi apprécier ce moment. Il s’agit d’un des rares succès de sa politique étrangère, succès qui semblait en plus devoir lui échapper à quelques semaines de son départ de la Maison Blanche puisque les leaders démocrates semblaient opposés à cet accord et que leur parti domine le Congrès américain. Mais il semble que la géopolitique l’ait emporté sur les craintes que ce traité suscité notamment parce qu’il pourrait donner des arguments à des pays comme le Pakistan, l’Iran et la Corée du Nord pour réclamer des accords similaires (la Chine a déjà demandé que le Pakistan en bénéficie), d’autant que l’Inde a pu l’obtenir sans avoir signé le traité de non-prolifération des armes nucléaires. Oui, mais voilà, l’Inde et son économie émergente ainsi que son armée qui monte en puissance est une démocratie devenue proche de Washington et qui risque d’être fort utile pour les Etats-Unis afin de contrebalancer la montée en puissance dans les années qui viennent de l’autre géant asiatique, la Chine.
N’oublions pas, non plus, que les arguments économiques ont du aussi jouer fortement puisque le marché nucléaire civil indien est évalué à quelques 100 milliards de dollars et que la non-ratification de cet accord aurait interdit aux entreprises américaines comme Westinghouse d’enlever une part de ce juteux gâteau alors que les entreprises françaises comme Areva mais aussi russes sont déjà positionnées sur la fourniture de centrales. En période de crise économique, les élus américains ne pouvaient sans doute pas opposer des préoccupations de transgression du droit international à des commandes qui rapporteront des dollars et fourniront du travail…
Alexandre Vatimbella
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