Qui pouvait penser que les pays émergents pourraient passer à travers la crise économique mondiale au moment où leurs clients connaissent de grosses difficultés voire des récessions comme c’est le cas dorénavant en France depuis les dernières estimations publiées par l’Insee ? Les taux de croissance pour cette année mais surtout pour l’année prochaine ont été revus à la baisse même si un optimisme mesuré continue d’être la règle dans les discours officiels. Il faut dire que les gouvernements de Chine, d’Inde ou du Brésil ont une botte secrète : la fameuse demande intérieure.
Avec un PIB qui augmente constamment et une consommation intérieure assez faible, c’est vrai, il existe de vastes marges de manœuvres dans ce domaine. Ainsi, la Chine et l’Inde connaissant un accroissement de la demande de leurs consommateurs qui leur permet d’espérer que la crise ne les touchera que peu (on ne parle évidemment plus de « bulle » protectrice à 100%).
Un peu partout dans ces pays, les économistes et les chefs d’entreprise invitent les pouvoirs publics à faire des gestes et à prendre des mesures concrètes afin que la consommation soit libérée. Ainsi, lors du Forum économique mondial qui s’est tenu à Tianjin (Chine), de nombreuses voix venues des quatre coins du monde se sont élevées pour demander au gouvernement chinois de soutenir l’activité économique en utilisant les énormes réserves de devises du pays pour permettre aux Chinois de consommer grâce à des liquidités plus importantes mais aussi une augmentation des importations.
Mais ce n’est pas si simple. D’une part, l’appareil de production d’un pays comme la Chine a été jusqu’à présent essentiellement tourné vers l’exportation et il n’est pas aisé de se replier sur une demande intérieure qui n’a pas les mêmes moyens, ni les mêmes besoins que celle des pays étrangers. L’augmentation des importations n’est pas non plus la panacée sur le long terme même si son cercle vertueux peut permettre d’accroître le bien être de la population tout en relançant l’économie mondiale. Et puis, il faut que l’argent coule à flots ce qui ramène sur le devant de la scène le spectre de l’inflation, maux que les deux géants asiatiques, par exemple, ont du combattre depuis neuf mois à la suite, en grande partie, de l’augmentation des prix du pétrole et des denrées alimentaires. Or, si les récoltes en Inde, en Chine, au Brésil et en Russie s’annoncent bonnes, voire excellentes, si le Brésil et la Russie sont de gros producteurs d’or noir, ce n’est pas le cas de la Chine et de l’Inde. Booster la consommation intérieure c’est aussi augmenter la consommation de matières premières, notamment énergétiques et donc de faire remonter le prix du baril de pétrole qui a chuté ces deux derniers mois permettant de ramener l’inflation à des taux plus acceptables socialement.
Reste que, de toute façon, il est impératif pour les pays émergents, notamment les pays du Bric et notamment la Chine et l’Inde de développer leur consommation intérieure pour enfin mener une politique de développement qui sera plus saine et qui profitera à un plus grand nombre. Jusqu’à présent les taux de croissance de rêve que connaissent ces deux pays ont surtout bénéficié à une classe riche ainsi qu’à l’émergence d’une classe moyenne dans les grandes villes du pays. Mais le paysan du Hunan et celui du Bengale n’ont pas vu leurs revenus et leur bien être faire le même bond en avant. Or, économiquement et, surtout, socialement parlant, il est indispensable pour la stabilité de ces sociétés de ne pas créer une cassure irréversible dans le peuple. La crise économique, paradoxalement, est peut être une bonne chose pour les pays émergents ! En tout cas, elle leur permet de repenser leur développement économique avec des atouts forts dans leurs manches comme des taux de croissance élevés et des conditions de production encore largement favorables. A eux de saisir l’opportunité dans ce moment critique.
Alexandre Vatimbella
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