La Nano sera-t-elle construire dans le Bengale occidental ? Tel est l’enjeu des manifestations qui secouent cet Etat pauvre de l’Est de l’Inde. S’y opposent les perdants et les gagnants de la croissance indienne, deux côtés de l’Inde qu’il faudra bien un jour unir.
Manifestations et contre-manifestations se succèdent sur le site de Singur, près de Calcutta dans l’Etat du Bengale occidental gouverné par les communistes, lieu choisit par Tata pour construire une usine qui va produire la fameuse Nano, la voiture la moins chère du monde à 2.500 dollars (1.700 euros). Les partisans de l’usine se heurtent aux opposants qui sont majoritairement des paysans que l’on a expropriés de terres agricoles. Devant l’ampleur du conflit, Tata menace maintenant d’aller s’installer ailleurs en Inde ce qui réjouit de nombreux Etats qui lui font les yeux doux mais désespère les autorités du Bengale occidental, très partisanes des investissements indiens et étrangers dans leur Etat, qui demandent à la multinationale indienne d’être patiente ce que cette dernière déclare ne plus pouvoir être.
Cet événement est symptomatique de la dualité de la croissance indienne. Celle-ci est louée un peu partout dans le monde mais sa faiblesse réside dans le fait que la grande masse de la population n’en profite pas, notamment les paysans qui demeurent le groupe social majoritaire. L’hostilité de ces derniers à se voir expropriés de riches terres agricoles montre bien la difficulté de l’Inde à bâtir un développement économique réel pour tous. Ainsi, dans les campagnes, les agriculteurs sont à bout de souffle au moment où une crise alimentaire mondiale survient, pendant que quelques grosses entreprises comme Tata, Reliance – dont le président a déploré l’image que cette affaire donne de l’Inde aux investisseurs étrangers potentiels – ou encore Bharti accumulent les succès et les profits. Cet Inde qui gagne pourrait être comparée à la cerise d’un gâteau qui ressemble à ces pièces montées d’apparat creuses. C’est par une image comme celle-là que l’on peut comprendre l’opposition d’une partie de la population à l’usine mais aussi comprendre pourquoi une autre partie se bat pour son édification avec tous les emplois à la clé et les profits à venir notamment par les ventes de la Nano à l’étranger. Les deux positions se comprennent et ont une logique indéniable. Reste que l’Inde devra, tôt ou tard, recoller ces deux parties si elle veut vraiment construire une économique forte qui bénéficie à tous. Elle ne pourra devenir une grande puissance économique et une grande puissance tout court que si elle est capable d’associer la grande majorité de sa population à la croissance de son économie d’autant plus que le ralentissement de celle-ci cette année et l’année prochaine risque de multiplier les conflits sociaux de ce type. La Chine connaît également ce genre de problèmes mais a réussi, jusqu’à présent, à éviter des conflits trop graves ou… trop médiatiques !
Alexandre Vatimbella
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