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mardi 16 septembre 2008

EDITORIAL : Chine-Inde, turbulences en vue ?


La méfiance ancestrale et viscérale entre l’Inde et la Chine s’est soudainement réactivée lors des tribulations de l’accord nucléaire entre l’Inde et les Etats-Unis, accord qui doit permettre à l’Inde de se fournir en combustible et technologies nucléaires alors même que l’Inde possède la bombe atomique et qu’elle est sous le coup d’un boycott pour ne pas avoir ratifié le traité international de non-prolifération des armes nucléaires.

Cet accord, vital pour l’économie indienne, a trouvé, au dernier moment, un opposant farouche : la Chine. Si l’on analyse bien la situation, cela n’est guère surprenant. La Chine ne pouvait demeurer les bras croisés dans un domaine vital pour sa sécurité. S’y ajoute, évidemment, cette méfiance entre les deux géants asiatiques, vieille comme leurs relations. L’Inde a peur de la Chine qui a peur de l’Inde. Mais, dans cette histoire, les choses se sont corsées car les dirigeants chinois avaient assuré leurs homologues indiens qu’ils ne s’opposeraient pas à l’accord. Il faut dire qu’ils pensaient mordicus que celui-ci n’avait aucune chance de devenir réalité !

Car, rappelons-le, non seulement cet accord était combattu au niveau international par beaucoup de pays dont de nombreux devaient donné leur imprimatur en tant que membres du NSG (Nuclear Suppliers Group), le groupes des fournisseurs en nucléaire, mais il l’était aussi aux Etats-Unis où les Démocrates ne sont pas très chauds pour livrer des technologies de pointe à l’Inde mais il l’était encore plus en Inde elle-même où la gauche membre de la coalition parlementaire qui soutien le gouvernement y est farouchement opposée au nom de l’indépendance du pays et de la haine des « Yankees ». D’ailleurs, afin de faire ratifier l’accord par le Parlement indien, le Premier ministre Manmohan Singh a attendu la fin de la législature actuelle et a du changer de partenaires politiques pour ce faire, la gauche étant maintenant dans l’opposition remplacée par quelques partis régionalistes.

Devant ce paysage pour le moins compliqué, la Chine estimait qu’il n’y avait pas grand risque à assurer son « partenaire » indien de son total soutien. D’autant que les relations entre la Chine et l’Inde s’étaient nettement améliorées ces dernières années avec les voyages officiels des premiers ministres chinois et indiens chez son voisin respectif au cours desquels de grands projets communs et des appels à des coopérations accrues n’étaient dépassées en emphase que par certaines déclarations comme celles de Manmohan Singh qui voyait dans l’alliance indo-chinoise le futur gouvernement du monde…

Même si l’Inde ne se fait pas trop d’illusions sur l’amitié chinoise ou, à tout le moins, sur cette amitié lorsque les intérêts de l’Empire du milieu sont en jeu, le gouvernement voulait croire à ce soutien. Et dès que la Chine a du abattre ses cartes lorsqu’il s’est avéré que l’accord allait bien devenir une réalité (encore faut-il que les Etats-Unis le ratifient mais même sans cette ratification l’Inde pourra, théoriquement, commercer avec d’autres pays). Ainsi, la Chine est devenue le seul et dernier opposant à l’accord à quelques heures de la clôture des négociations de Vienne qui regroupait les pays du NSG. Et il a fallu l’intervention énergique de George W. Bush auprès du Premier ministre chinois Hu Jintao et la colère de l’Inde pour que la Chine fasse machine arrière et accepte, contrainte et forcée, cet accord.

Mais le feuilleton n’est pas terminé puisque dès l’accord signé, la Chine est repartie à l’offensive en demandant que tout pays qui respecte les règles internationales en matière nucléaire et qui souhaiteraient développer son nucléaire civil puisse passer un accord du même genre. Et la Chine n’a pas fait cette déclaration pour le principe mais parce qu’elle souhaite que son allié traditionnel, le Pakistan, en bénéficie. Le Pakistan, l’ennemi juré de l’Inde… La visite du ministre des Affaires étrangères de Chine en Inde il y a quelques jours n’a pas détendu l’atmosphère même si celui-ci a répété devant le Premier ministre indien la volonté de la Chine de développer sa coopération et son amitié avec l’Inde.

Il faudra attendre bien sûr les prochaines semaines et les prochains mois pour voir si cette affaire aura des répercussions immédiates mais aussi à moyen et long termes sur les relations entre les deux pays. Evidemment, dans le contexte mondial actuel d’une globalisation où les deux pays sont en train de se développer pour retrouver leur lustre d’antan, on trouvera des arrangements. Mais l’on peut déjà parier que dans des pays où l’on envisage souvent l’histoire comme des cycles qui se répètent dans le temps, cette affaire, quoiqu’il arrive, ne sera pas oubliée de sitôt d’un côté comme de l’autre de l’Himalaya…


Alexandre Vatimbella

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